Rencontrer l’Automne

Vous avez remarqué? Le vent s’est habillé d’un costume en tweed trois pièces. C’est à cause de l’Automne, elle aime les matières nobles et tout ce qui rappelle l’Angleterre. Les thés chaud avec un nuage de lait. Les intérieurs cossus. Les papiers peints à fleurs. Et puis le bruit de l’eau qui se remet en circulation dans les tuyaux de chauffage avec un gargouillis charmant. Elle aime bousculer un peu les gens dans la rue pour qu’ils se pressent vers la chaleur du Centre Commercial. Elle aime qu’ils se parent pour elle de leurs petits manteaux et de leurs grands foulards. Elle s’émerveille de voir les arbres harmoniser leurs feuilles avec les couleurs de la Terre et du Feu. Elle prend sa mission très au sérieux. Son implication et son engagement sont palpables. C’est une tache ardue. Celle de nous faire passer de la frénésie insouciante de l’été à la lenteur assumée de l’hiver. C’est ainsi que l’Automne se perçoit: un Prélude à l’Hiver. Elle prépare les foules comme un chauffeur de salle, mais à l’envers. La transition demande une grande douceur et beaucoup de delicatesse. Il faut que chacun se sentent accompagné. Comme porté sur un tapis roulant jusqu’à la pièce maîtresse, celle ou il pourra enfin faire une vraie pause, en contemplation devant la force brute du feu de l’Hiver. Cette transition a besoin de s’opérer graduellement. A chaque nouveau pas, l’Automne s’efforce de ralentir notre rythme en lui donnant aussi plus de poids. Elle espère nous ancrer à nouveau à la Terre, à notre maison, à notre foyer. Il n’y a rien qui lui fasse plus plaisir que de voir des familles, des amis, se retrouver autour d’un jeux de société. Le jeu de l’oie est son préféré. Mais elle n’est pas contre un Pictionary ou bien un Monopoly. Du moment que la chaleur humaine est là. Car elle le sait: jusqu’au Printemps prochain le soleil sera interieur. Pour cela l’Automne souffle avec application sur les braises encore brûlantes de l’été, pour que leurs chaleurs se propagent dans les relations entre les hommes. Afin qu’une petite flamme s’embrase et vienne réconforter le cœur d’un amoureux, d’un enfant, d’un voisin, de la boulangère au si joli sourire, de cet inconnu dans la rue qui a l’air d’en avoir tant besoin. Vous avez remarqué? L’Automne est là. Elle a posé sa main sur notre épaule et nous guide doucement vers la fin de l’année…

En transit

19h08, décollage de Santa Fe. Il est 02h08 à Londres. 11h08 a Sydney.
Me voila perdue dans une faille spacio-temporelle où la réalité du 23 Septembre 2019 m’apparait toute relative. Je me sens égarée parmi les nuages. Sommes nous le matin? L’après-midi? Le soir?
– « Ça dépend » me répondrait Le Petit Prince
– Ça dépend de quoi?
– De la Terre bien sur!
– Mais la Terre n’a rien à voir avec le temps! Lui répondrais-je,
– Bien sur que si! dirait-il en riant,
– C’est la Terre qui décide si tu dois te lever ou te coucher.
– Mais c’est le soleil qui se lève le matin et se couche le soir. C’est donc lui qui dirige nos vies.
– Pas si tu vis sur Terre. A Santa Fe, le matin débute plus tôt qu’à Dallas alors que le soleil vit sa vie sans se préoccuper de nos questions d’horaires!
– Admettons. Mais alors, puisque nous sommes dans un avion, dans les airs, qui décide?
– Personne. Cette réalité n’existe pas vraiment. La réalité reprendra ses droits lorsque tu redescendras sur Terre. Dans notre situation actuelle: à Dallas.
– Qu’est ce que c’est que cette histoire. J’existe! Je suis la, je te parle sur la surface de mon ordinateur. Je n’ai pas besoin de la Terre pour exister!
– Pas dans l’espace effectivement, mais dans la réalité temporelle, c’est autre chose. Le temps et la Terre sont indissociables.
– Tu veux dire que si je ne me pose jamais plus sur Terre, je peux me passer du temps et, qui sait, vivre indéfiniment?
– Peut-être. Je ne connais personne qui ait tenté l’expérience…