Ralentir

Raconte moi...

Le séjour est terminé après cinq jours le long du Chemin de Compostelle. Depuis ce matin, l’ambiance est différente des autres jours. On sent la fin de la parenthèse. Il est temps de plier bagages, de faire le ménage dans les affaires et d’organiser la logistique du retour. Une navette est prévue pour ramener les marcheurs jusqu’au Puy en Velay, leur point de départ. Une fois montés dans le bus, chacun commence le rembobinage complet de son histoire. Chacun remonte les jours a contre courant et passe en quelques minutes devant des paysages qu’ils ont mis des jours a traverser. Retour en arrière ou bien avance rapide? Difficile à dire, mais le rythme a irrémédiablement changé et cette rupture sonne le glas de l’aventure. Ce nouveau rythme permet de reconnaitre, par bribes, quelques éléments du décor. Par superposition de ces deux expériences, se révèle le véritable secret de la marche en pèlerinage. Elle permet de se connecter au présent avec intensité. De gouter chaque parcelle de ce que la vie nous offre et de prendre le temps de la recevoir dignement. En marchant, le pèlerin n’a plus uniquement le temps de voir mais aussi celui de regarder, de chercher, de scruter. Il a le temps d’être surpris. Le temps de sentir, de ressentir et d’attendre. Les secondes s’étirent et les heures s’allongent. Les douleurs se font plus lourdes, les odeurs plus denses, les rencontres plus passionnantes. Ce rythme permet une qualité d’être inédite dans notre société SpeedFast ou tout doit aller vite et où nous nous devons d’être productif à chaque instant. Pour ne pas perdre le temps. Mais en étant hyperactif, ici et ailleurs, maintenant et dans six mois, avec toi et mon réseau social, ne nous file t-il pas entre les doigts? On croit optimiser le temps mais ce n’est au final qu’une manière de le fuir. Car le temps peut être pesant et angoissant. Il magnifit le présent, quel qu’il soit. Il oblige a tirer le meilleur de l’instant même lorsque l’orage gronde et que la pluie dégouline, désagréable, jusque dans le cou. C’est tout cela qui me passe par la tête en regardant le paysage qui défile par la fenêtre du bus. Le rapide et le lent, les transports et la marche, ont mis en exergue deux mondes qui coexistent en parallèle. Celui de notre société moderne, rapide, stimulante, exaltante. Et celui du retour a la Nature, exigeant, enthousiasmant et puissant. Le premier nous est familier et le deuxième nous est souvent étranger. Pourtant, il se trouve à la portée de tous, attendant que l’on se donne simplement la peine de ralentir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.