Un vent de liberté

Je vous en parle régulièrement, je tiens un journal depuis si longtemps que j’ai arrêté de compter les années. Pas forcément tous les jours, mais presque. C’est mon petit café du matin. Ma façon à moi de me réveiller et de reprendre pied dans la réalité. Mais cette année 2020 est différente, n’est-ce pas ? Sur tellement d’aspects. Et ce qui est étonnant, c’est que cela se remarque dans mon journal. Aussi bien sur le fond que sur la forme. Mais c’est vraiment sur la forme que c’est le plus flagrant. Je regarde la tranche de mon journal débuté en août et je remarque qu’il s’y est opéré une rupture, nette et franche. Mon journal s’est étoffé. Il a pris en épaisseur, en profondeur, en couleurs inattendues et inespérées. Il s’ouvre à des expérimentations. Je constate que la créativité y infuse. Sans attentes ni objectifs. Alors que ma pratique consistait depuis toujours à seulement y écrire mes pensées, ce qui me venait, sans fantaisies ni fioritures, j’ai commencé à y utiliser des feutres, des stickers, du masking tape, des encres dont je change la couleur selon l’humeur du moment, selon l’inspiration du jour. L’atelier que j’ai suivi en octobre sur l’enfant intérieur et la créativité n’y est certainement pas étranger. Une porte s’ouvre et l’impossible s’y immisce malgré moi… le dessin. Le grand tabou. Celui que je ne m’autorise pas, ou si peu, pour des raisons qui m’échappent. Mais depuis quelques jours, je m’amuse. Je copie des personnages de mes illustrateurs et illustratrices préféré.e.s. Ils m’enseignent, ils me guident. Je me laisse nourrir d’une façon inédite.

Je ne me lasse pas de regarder ces pages. Admirer ces couleurs, ces formes variées, ces irrégularités m’apaisent et m’apportent une certaine sérénité. Dans cette période si particulière et si confuse, mon journal constitue une certitude rassurante. Celle de pouvoir créer, et de pouvoir m’exprimer en toutes circonstances. Celle d’être accessible avec seulement un carnet et un stylo. Être en mesure d’y trouver le refuge, le retour à une certaine simplicité. Un dépouillement qui permet la profondeur et la richesse, si je le décide. La porte de tous les possibles. C’est très important pour moi d’avoir cet espace où je peux me retirer du monde. Ou je peux me créer mon propre monde. Pour y déployer ce dont j’ai besoin, sans limite ni restriction. Embrasser les gens que j’aime. Voyager au-delà des frontières. Plonger dans les émotions qui me submergent. Exister, en toute liberté.

Et vous ? Ressentez-vous le besoin d’un tel espace d’expression où déplier vos jambes courbaturées, votre esprit malmené, votre âme avide ?

Trouver son espace de résilience

Pendant longtemps, j’ai cru que la résilience, c’était serrer les dents, en attendant que ça passe. Avec le temps, j’ai compris que « ça » ne passe pas. La tristesse. La souffrance. Le malheur. Un moment sans quelque chose qui vrille, sans un imprévu qui remet en cause nos beaux projets, c’est finalement assez rare. On vit, on rit, on souffre, dans un même souffle. Ces instants douloureux font partis de la vie. Ils constituent un lierre sombre, épais, rampant, qui fragilise notre bel édifice de vie. Il tente de le grignoter peu à peu. Mais ce lierre est aussi solide, lumineux et beau, par bien des aspects. Et au final, il maintient notre édifice debout malgré les fissures, dans un amalgame majestueux de feuilles et de pierres. Reconnaitre cette interdépendance, la cruauté de cette réalité, c’est accéder à une forme d’équilibre que l’on appelle « résilience ». Évidemment, ce n’est pas ce que l’on a envie d’entendre, lorsque l’on traverse un moment particulièrement difficile. Pourtant, accepter que notre douleur nous renforce, est justement ce qui nous permet d’accéder à la vie dans son entièreté. Pourquoi est-il si difficile de lui ouvrir les bras ? Et bien certainement parce que la résilience tue l’espoir d’un avenir sans problème. Cela semble un prix élevé à payer, pour ce qui n’était pourtant qu’une illusion. Par ailleurs, la contrepartie est de nous éviter l’erreur mortifère d’attendre des jours meilleurs pour commencer à vivre.

« La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. »

Sénèque

La résilience prend donc place, dans l’interstice entre deux pierres de la vie que nous construisons au jour le jour. Un tout petit endroit, pas forcément visible à première vue, mais qui contient néanmoins le terreau suffisant pour une graine de germer. Un espace qui existe déjà, ou bien que l’on se crée, avec les dents s’il le faut. Un écosystème où la vie peut renaître. Où la beauté peut se déployer au milieu du béton. Au lendemain de cette annonce de re-confinement d’un mois, je pars en quête de cet ailleurs. Et mon espace de résilience, je crois qu’il se révèle dans les articles de ce Blog, entre les pages de mon journal. À la plume de mes mots qui expriment les chamboulements internes que ces bouleversements déclenchent. Dans les mots des autres également. Ceux que je découvre dans les livres que j’ai sélectionné spécialement pour ces quelques semaines. Des ouvrages que je ne serais pas allée chercher sans cet isolement forcé.

Et vous ? Dans quoi trouvez-vous votre espace de résilience ?

L’illusion de l’inspiration sur Instagram

Sans être une grande adepte des réseaux sociaux, j’avoue que je suis assez fascinée par Instagram. J’aime les images. Je pourrais passer des heures (et parfois, je le fais!) à faire défiler le contenu des centaines de comptes auxquels je suis abonnée. Car ces abonnements sont un peu un concentré de toutes les thématiques qui m’intéressent, et le fait d’en visualiser le contenu en un seul coup d’œil (une image vaut 1000 mots!) est addictif. Dans un premier temps, j’ai trouvé ce réseau social parfait. Il me stimulait. Il constituait pour moi un énorme shoot de beauté et une grande source d’inspiration.

Avec le temps, j’ai néanmoins constaté que, non seulement cette stimulation avait tendance à s’éroder, mais qu’à plus long terme, elle me faisait même tomber dans une certaine paresse créative. Ce que j’entends par là, c’est qu’au fil de mes utilisations, je me suis constitué un univers de créateurs et de créatrices, qui m’alimentent toujours de la même manière, et du coup qui finissent pas limiter mon imaginaire. @Bambichose en parle également très bien dans une vidéo qu’elle à consacré à la quête de son propre style (la vidéo est un peu longue alors je vous ai fait commencé le lien au moment où elle parle de ce point spécifique).

Les algorithmes agissent comme une sorte de bulle créative qui ne nous montre qu’un certain type de contenu, comme s’il n’existait qu’une façon de s’exprimer créativement. Le modèle auquel vous réagissez le plus, va devenir votre norme. L’impact sur notre capacité à créer est assez catastrophique, car au lieu de nous inspirer, cette exposition à répétition finit par agir sur notre cerveau comme un conditionnement visuel. C’est comme si nous éduquions notre cerveau à voir la beauté d’une certaine façon.

Voilà pourquoi les activistes de tout bord insistent autant pour lutter contre les stéréotypes qui sont véhiculés (notamment) dans les films hollywoodiens. L’impact phénoménal du cinéma américain dans la culture européenne nous rend particulièrement malléables à ce qu’il véhicule en terme d’images. Que ce soit l’image de la violence, celle de la femme, celle du couple, des relations amoureuses, et bien entendu des races. Il est maintenant temps de prendre conscience qu’il se passe la même chose sur tous les réseaux sociaux, même si, comme moi, vous tentez vainement de vous abonner à des comptes de cultures et d’univers variés. Alors que faire ?

Pour ma part, j’ai décidé d’arrêter de me mentir. Je ne considère plus les réseaux sociaux comme une source d’inspiration, mais plutôt comme une gigantesque vitrine pour montrer mon travail et suivre celui des artistes que j’aime. Point. L’inspiration, j’ai pris conscience qu’il allait falloir la trouver ailleurs, sous peine de devenir un clone de toutes les personnes que je suis sur les réseaux.

«  Soyez vous-même, les autres sont déjà pris. »

Oscar Wilde

Pour cela, rien de plus efficace que de se replonger dans cette bonne vielle culture 1.0 aka la littérature, le cinéma, les expos, la nature, les gens, bref la « vraie » vie. Mais attention, là aussi, il est facile de retomber dans les mêmes travers. Si vous n’allez voir que les films encensés par la critique, ne lisez que les livres qui obtiennent des prix, et ne visitez que les endroits à la mode, vous allez, là encore, vous cantonner à un périmètre défini pour vous, par d’autres personnes.

Et c’est la conclusion à laquelle j’arrive à titre personnel. Il devient nécessaire de parvenir à faire suffisamment le vide autour de soi pour identifier ce qui nous fait vibrer personnellement. Les découvertes que nous faisons dans le cadre de notre propre cheminement. À l’ère de la connexion constante à Internet, il ne s’agit pas de se couper du monde extérieur, cela serait impossible et aliénant. En revanche, il serait sain de se préserver un espace dans lequel nous pouvons encore exercer notre curiosité et notre spontanéité. Pouvoir se laisser émerveiller par une source d’inspiration inattendue dont vont découler plein d’autres. Il s’agit de trouver une manière de nous émanciper d’un système qui nous dit en permanence comment nous devons penser. Une petite révolution ! Il me semble néanmoins, que c’est le prix à payer pour déployer son plein potentiel créatif.

Alors, prêt.e à faire la révolution de l’inspiration ?