8 semaines de solitude

Avant que chacun ne retrouve ses marques, avant que chacun n’oublie et ne passe à autre chose, je voulais garder une trace de la façon dont j’ai passé ces quelques semaines. 8 semaines particulières, sans précédent. 8 semaines, ca peut paraître énorme, mais pour ma part, je n’ai pas vu le temps passer, et je vous avoue que je ne me sens pas pressée de me “déconfiner”.

Sondage : Le Figaro du 6 mai 2020.

Je fais clairement partie des 34% qui prolongent le confinement au delà du 11 mai, reprenant une “vie du dehors” à mon rythme, c’est-à-dire “lent”! 😉 La raison principale de mon manque d’enthousiasme, à reprendre les vieilles habitudes, doit venir du fait que j’ai plutôt bien vécu cette période de confinement. Le fait de vivre en province et d’avoir eu la bonne idée de déménager, il y a un an, en dehors de la ville pour bénéficier d’un petit jardin, a certainement contribué à ce ressenti. Je crois surtout que cette isolation obligatoire a particulièrement convenu à mon âme d’ermite ! Oui, vous l’avez devinez, je suis une introvertie, donc plutôt à l’aise avec la solitude, mais nous y reviendrons, car tout n’a pas été si simple pour autant.

J’ai vécu cette période comme une parenthèse inattendue, car pour la première fois de ma vie, j’ai pu rester chez moi sans culpabiliser de ne pas m’affairer à l’extérieur. Le mot “culpabiliser” peut paraître fort, il l’est d’autant plus que je n’en avais aucune conscience avant d’avoir vécu cette expérience. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée chez moi avec l’OBLIGATION d’y rester, et étonnamment, ce que j’ai ressenti, c’est du soulagement. J’ai fini par comprendre à quel point, en temps normal, je faisais des efforts pour vivre la vie que je croyais devoir vivre. Au fil des jours, je me suis aperçue que sortir de ma maison, voir du monde, consommer, être occupée H24, n’était finalement pas si naturel, ni nourrissant, pour moi. En tout cas, pas à cette fréquence, pas avec cette intensité. Vous le savez peut-être, ce qui distingue les introverties des extravertis est leur manière de se ressourcer. Rien à voir avec le fait d’aimer les soirées karaoké ou la facilité avec laquelle on s’exprime en public, à l’occasion, j’adore ça ! Les extravertis ont besoin d’interactions avec les autres pour recharger leurs batteries, alors que les introvertis ont besoin de calme et d’isolement. Le savoir est une chose, le vivre à l’échelle du confinement en a été une autre. Car cette isolation forcée a pu me permettre de percevoir enfin ce trait de personnalité comme un avantage, dans une société qui, en temps normal, a plutôt tendance à favoriser les extravertis. Un constat valorisant qui nourrit la confiance en soi. Toujours bon à prendre!

Mais il m’a aussi permis d’en mesurer les limites. Car au bout de plusieurs semaines, j’ai pu constater à quel point le manque d’exercice, de lien avec la nature, d’échanges direct avec mes proches, avaient un impact sur mon niveau de stress. Cela est devenu particulièrement visible pour moi au moment du coucher. Là où d’habitude, la fatigue de la journée calme mon esprit, favorisant un sommeil accueillant et réparateur, le confinement a créer chez moi un esprit fatigué d’un tout nouveau genre. Beaucoup plus proche d’un hamster pédalant frénétiquement dans sa roue, que d’un gentil bouddha zen. Le constat que j’en ai tiré, c’est que je ne peux en aucun cas me passer d’interactions, de bouger, de m’aérer, sous peine d’asphyxier complètement mon cerveau. Et c’est finalement ce qui a été le plus compliqué pour moi pendant toute cette période : trouver un équilibre entre ma tendance naturelle se satisfaisant de solitude, et mes besoins physiologiques, liés à ma santé, aussi bien physique que mentale. J’ai dû prêter une plus grande attention à ma pratique de yoga, à la méditation et des sorties régulières, afin de laisser à mon esprit l’espace nécessaire pour respirer. Par ailleurs, les échanges réguliers, vidéo ou non, avec des amis ont énormément contribué à cet équilibre fragile. Petit à petit, je me suis ajustée, et je crois pouvoir dire que le confinement m’a permis de mieux me connaître de ce point de vue. Je sais maintenant faire la distinction entre les besoins que je croyais avoir, et mes besoins réels.

Les meilleurs moments, dont je veux me souvenir de cette période, concernent ces nouvelles formes d’échanges qui nous avons pu inventer à distance au cours de ces 8 semaines. Que ce soit avec mes amis, via les réseaux sociaux, ou via les échanges professionnels que j’ai pu avoir, j’ai été enthousiasmée par la créativité déployée au cours de cette période pour tirer le meilleur de toutes ces contraintes. J’ai également été épatée par la qualité des échanges et par le niveau d’ouverture que ces conditions particulières ont réussi à générer en dépit de la distanciation physique. J’ai adoré les apéros virtuels, les séances de jeu de société live, la formation d’écriture à distance à laquelle j’ai pu participer malgré tout, et les cours de Yoga en direct live de l’autre coté de la planète, les sessions de lecture de poésie ou les mini concert sur Instagram… Que des activités qui n’existaient pas dans ma vie habituellement. J’espère que je saurai faire perdurer quelques-unes de ces pratiques, qui ont enchanté une partie de mon quotidien de confinée.

En ces premiers jours du confinement, je reste en mode spectateur, un doigts de pied dehors pour tester la température, pas beaucoup plus. 😉 Je crois qu’après une aussi longue période en retrait de la société, il est important de s’écouter pour évaluer « quand » et « comment » on a envie de repartir. Pour ma part, ma façon de reprendre contact avec le monde a été de passer une commande géante de livres à la librairie de mon village enfin ré-ouverte ! J’imagine que ce sont encore les livres et la perspective d’aller visiter ma boutique préférée d’encres et de carnets qui vont finalement m’aider à sortir peu à peu la tête hors de mon terrier. Mais rien ne presse.
Et vous ? Quelle a été votre expérience du confinement ? Comment se passe ce “retour à la réalité” ?

Dans tous les cas, je vous souhaite la meilleure reprise possible. 🙂

Un journal pour soi

Aujourd’hui, je voulais vous parler d’un autre rapport à l’écriture, loin du travail d’un roman, de la rédaction d’un article ou même de la création d’un poème. Je voulais vous parler d’une écriture gratuite et libre. Une écriture juste pour soi. Certains appellent cela les «pages du matin», d’autres «Journal intime», moi j’aime y penser comme à un «journal pour soi». Une forme d’écriture comme un espace accueillant, un jardin secret où il n’y a aucune attente, aucune règle ou directive à suivre. On peut y aller juste pour respirer, pour déposer le trop-plein ou bien le vide du présent. Comme un vrai jardin de terre et de plantes, il a besoin que l’on s’occupe de lui avec une certaine fréquence, pas forcément intense mais régulière. Revenir à la page, s’octroyer cette chance de l’écriture qui nettoie, l’écriture qui apaise, l’écriture qui libère. Commencer un journal pour soi ne demande aucune volonté, plutôt du lâcher prise. S’autoriser à laisser les mots se répandre sur le papier, comme eux le décident. Ce matin, c’est la frustration d’être enfermée alors qu’il fait si beau. Un autre, ce sera la joie de célébrer un moment précieux avec une personne que j’aime. À un moment, c’est l’occasion de faire le tri dans ma tête. À un autre, l’opportunité de noter une fulgurance, comme une évidence. Toujours, ce moment est hors du temps. Il permet de s’accorder la possibilité d’exister, en dehors de la vie si prenante, si stimulante, parfois si angoissante. Une pause. L’occasion d’aller à la rencontre de soi-même et de développer une relation à « soi ». Qui es-tu l’ami ? Je suis là, je t’écoute, je prends le temps de te donner la parole, je t’aime. La forme n’est pas essentielle, mais elle peut avoir son importance si je le décide. Le choix d’un carnet, le choix d’un papier, d’une encre, comme un cadeau. Ou bien la simplicité d’un cahier inachevé, laissé à l’abandon et si heureux de retrouver une utilité. C’est un monde à soi, celui que vous décidez qu’il soit. À votre disposition où que vous soyez. Parfois, juste savoir qu’il existe, qu’il est accessible, permet de retrouver un semblant de sérénité. Alors, en cette période de confinement où les émotions peuvent parfois être difficiles à accueillir, il me semblait important de rappeler cette liberté que nous avons tous à notre portée. Une liberté qui n’est pas liée aux mètres carrés, ni aux commerces de proximité. Une liberté d’écriture que l’on se donne. Depuis des années, cette pratique est ma planche de salut, le déversoir de mes joies et de mes peines. Un filet de protection qui me rattrape quels que soient les sentiments qui me traversent ou me bousculent. Un trésor qui ne prend que plus de valeur à être partagé. Alors voilà, c’est à vous. Bonne écriture !

Le virus et la gazelle

La semaine dernière, je vous parlais d’insécurité de créer, celle qui vient de l’intérieur. Cette semaine, nous sommes tous confrontés à une autre sorte d’insécurité, qui dépasse l’enjeu de la création et vient interroger l’ensemble des êtres humains que nous sommes, sur notre capacité à accueillir nos peurs, au sens large. Le coronavirus est-il un danger réel pour moi? Je n’en ai aucune idée. Mais ce dont je suis certaine, c’est qu’il génère énormément de peurs et voilà une partie de la réalité que je peux déjà prendre en compte et pour laquelle je n’ai besoin d’aucun expert. Entre la légitimité de la peur et celle du danger il n’y a qu’un pas, et j’ai parfois l’impression que nous confondons un peu les deux et y perdons notre capacité d’action. Et si nous commencions par accueillir la peur ? À l’origine, sa fonction est essentielle, celle de nous alerter d’un danger afin de nous empêcher de mourir. Mais à lui laisser trop de place, la peur peut aussi très vite nous empêcher de vivre ! Alors comment retrouver le chemin de la sérénité ? Comme souvent, la nature nous montre pas mal d’exemples de comportements adaptés. Celui qui me vient en tête, est celui de la gazelle. La savane est un environnement sauvage, peuplé de prédateurs, et la gazelle sait qu’à tout moment, un guépard peut apparaître avec une rapidité fulgurante pour essayer de la croquer. Elle doit vivre avec ce danger potentiel constant pourtant, quand on la regarde vivre, elle semble plutôt calme et sereine. Comment fait-elle ? La gazelle est un parfait exemple de résilience. Elle a développé la capacité à vivre dans l’instant présent, qui lui permet non seulement de profiter des moments de calmes, qui ne manquent pas, mais aussi de pouvoir se mobiliser en une fraction de seconde pour s’enfuir à toute vitesse lorsque le danger se fait réel. Elle vit dans la confiance de sa capacité à réagir le moment venu afin de pouvoir vivre sa vie. En ces temps troublés où notre sérénité d’être humain est malmenée, je nous souhaite a tous de pouvoir nous inspirer de la gazelle afin de retrouver confiance en notre propre discernement et surtout en notre capacité d’affronter l’adversité si dorénavant elle devait nous toucher personnellement. En attendant ce jour, qui n’arrivera peut-être pas de si tôt, prenons le temps de nous reconnecter au moment présent pour continuer à vivre et à créer.
Belle semaine d’écriture!